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L’enregistrement d’une conversation téléphonique à l’insu d’un des interlocuteurs est un mode de preuve recevable selon le CPH de Lyon

L’enregistrement d’une conversation téléphonique à l’insu d’un des interlocuteurs est un mode de preuve recevable selon le CPH de Lyon

Author : Christian BROCHARD et Paola GIRARDIN
Published on : 08/02/2024 08 February Feb 02 2024

Dans un jugement du 1er février 2024, le Conseil de prud’hommes de LYON a fait sienne la jurisprudence de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre dernier (n°20-20.648 et 21-11.330).

En effet, pour rappel, la Haute juridiction a abandonné par deux arrêts du 22 décembre 2023 sa jurisprudence en vertu de laquelle une preuve obtenue de manière déloyale, c’est-à-dire recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème, doit nécessairement être déclarée irrecevable par le juge civil.

Pour l’Assemblée plénière, une preuve déloyale, à l’instar d’une preuve illicite, peut désormais être admise devant la juridiction civile, si elle s’avère être indispensable et que l'atteinte aux autres droits (vie privée par exemple) soit strictement proportionnée au but poursuivi

Dans une affaire plaidée par devant le Conseil de prud’hommes de LYON en date du 28 septembre 2023, soit antérieurement aux arrêts de l’Assemblée plénière, la juridiction a adopté l’argumentation juridique retenue par la Cour de cassation dans ses arrêts de décembre 2023.

En l’espèce, une salariée s’était rapproché d’un Directeur travaillant dans un autre établissement mais sous la subordination duquel elle avait précédemment travaillé afin de lui demander s’il pourrait intercéder en sa faveur dans le cadre de la demande de rupture conventionnelle qu’elle entendait présenter.

Ce Directeur l’avait alors contactée téléphoniquement et après lui avoir posé diverses questions indiscrètes sur sa vie privée, lui avait demandé de manière parfaitement explicite des faveurs sexuelles immédiates en contrepartie de son intervention.

Particulièrement choquée par de telles avances, la salariée avait dénoncé les faits à sa hiérarchie et le Directeur d’établissement avait été immédiatement licencié pour faute grave.

Ce dernier a alors contesté la rupture de son contrat de travail par devant la juridiction prud’homale.

Sauf que ce Directeur ignorait que la salariée avait enregistré la conversation téléphonique et remis à son employeur cet enregistrement.

Pour justifier du bien-fondé du licenciement du Directeur d’établissement, la société a produit au débat cet enregistrement dont la teneur était effectivement accablante pour le salarié...

Pour sa défense, le salarié licencié a soutenu qu’il s’agissait d’un mode de preuve illicite dans la mesure où l’enregistrement avait été réalisé à son insu ce qui n’était pas contesté.

Plus encore, il a argué du fait que cet enregistrement s’analysait en un stratagème mis en place par la Société pour le piéger.

Pour sa défense, la Société, anticipant l’arrêt de l’Assemblée Plénière (prévisible au regard de la jurisprudence européenne), a soutenu qu’il appartenait à la juridiction d’apprécier si l’enregistrement était indispensable à l’exercice du droit de preuve et si l’atteinte à la vie personnelle du demandeur était proportionnée au but poursuivi.

La Société a également mis en avant le fait que l’enregistrement n’avait pas été effectué par l’employeur mais par la salariée victime, de sorte qu’aucune déloyauté ne pouvait lui être reprochée.

Elle a surtout insisté sur le fait qu’en l’absence de témoin direct des propos tenus, exception faite de la victime, la production de l’enregistrement de cette conversation était bien indispensable à l’exercice par l’employeur de son droit à la preuve.

Enfin, la Société a indiqué que l’atteinte à la vie personnelle du demandeur en résultant se justifiait également par la nécessité qui était la sienne de protéger la santé mentale et physique ainsi que la sécurité des salariés, dans le cadre de son obligation générale de sécurité.

Le Conseil de prud’hommes de LYON a fait droit à l’argumentation développée par la société et écho à la jurisprudence récente de la Cour de cassation en jugeant que constitue un mode de preuve recevable l’enregistrement de la conversation téléphonique à l’insu d’un des interlocuteurs dans la mesure où :

  • l’enregistrements a été réalisé par la salariée, dans le but d’étayer sa plainte d’harcèlement sexuel ;
  • l’enregistrement constitue le seul moyen de preuve de la salariée victime ;
  • il s’agit du seul élément probant produit au débat ;
  • l’atteinte à la vie personnelle est proportionnée au but poursuivi.

La nouvelle jurisprudence semble donc adoptée par les juges du fond.

Toutefois, il convient de rappeler que les conditions requises par la jurisprudence pour qu’une preuve déloyale soit néanmoins recevable demeurent exigeantes et que ce sera uniquement dans des cas extrêmes, telle l’affaire soumise au Conseil de prud’hommes de LYON, que l’employeur pourra s’appuyer sur des éléments obtenus de manière objectivement déloyale.

Article corédigé par Christian BROCHARD, Avocat associé et Paola GIRARDIN, Juriste.

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